Préface

Par le Professeur Arnaud SAUER, MD, PHD, FEBO

La myopie est de retour au centre de l’activité des professionnels de la vision avec une prise en charge en trois temps : 1) prévention, 2) freination et compensation puis 3) prise en charge des éventuelles complications !

Depuis les années 1970, l’incidence de la myopie est en nette augmentation chez les enfants en Asie. Cette évolution est aussi observée en Amérique du Nord et en Europe depuis une vingtaine d’années. De 20% de la population, l’incidence de la myopie y bondit pour approcher les 50% dans les années à venir. Celle-ci se fait probablement sous l’influence de facteurs environnementaux, plus que sous le poids de facteurs génétiques (même si la myopie parentale reste un facteur de risque reconnu). La baisse de l’exposition à la lumière du jour (liée à l’urbanisation et au changement des activités du quotidien) et la l’augmentation de la sollicitation de la vision de près sont les deux principales causes. La conséquence est le diagnostic de myopies plus précoces (les découvertes entre 4 et 6 ans ne sont plus rares) et de plus en plus évolutives (l’augmentation annuelle de la myopie est elle aussi de plus en plus forte). La progression naturelle de la myopie, tout au long de la croissance du globe oculaire jusqu’à l’âge de 25 ans, est ainsi de plus en plus marquée et aboutit à un accroissement notable des myopies fortes (définies par une longueur axiale oculaire de plus de 26 mm). Bien au-delà d’une simple problématique de compensation d’un flou visuel, ces myopies fortes sont corrélées à un risque évolutif sévère pouvant conduire à la malvoyance. La correction de la myopie, mais aussi et surtout les complications de la myopie fortes représentent des coûts individuels et collectifs très importants.

Pourtant, aujourd’hui, la progression de la myopie peut être freinée par différentes mesures afin de retarder l’âge d’apparition de la myopie, de ralentir l’évolution des myopies déjà installées et limiter le nombre de patients à risque de complications. L’arsenal thérapeutique est large, soutenu par de nombreuses publications scientifiques de qualité. Il comprend tout d’abord des mesures environnementales qui doivent être rappelées en consultation à chaque patients myopes voire pré-myopes, comme la limitation des périodes de vision de près (pause régulière toutes les 20 minutes) et les bénéfices de l’exposition à la lumière du jour en favorisant par exemple les mobilités en extérieur (trajet à pied ou en vélo) et en poussant aux activités sportives en plein air. Ces conseils simples s’appliquent d’ailleurs parfaitement à la vision globale de la santé promue sous le nom One Health. Des méthodes optiques sont aussi disponibles et incluent des lunettes ou des lentilles spécifiques permettant une correction adaptée sur l’ensemble de la surface rétinienne (lutte contre le défocus hypermétropique pourvoyeur d’allongement de l’œil). Enfin, des mmoyens pharmacologiques peuvent être proposés, notamment des collyres à base d’atropine concentrée à 0,01% ou 0,05%, dont les bénéfices sont clairement établis avec un faible potentiel très faible niveau d’effets indésirables). Ces méthodes sont prescrites par les professionnels de la vision dans le cadre d’une démarche customisée : « Un enfant à la fois ».

Chaque patient sera ainsi pris en charge de manière individuelle lors de consultations dédiées, souvent menées conjointement par plusieurs professionnels (Optométristes, Ophtalmologistes, Opticiens, Orthoptistes). Les données d’interrogatoire puis le recueil des éléments cliniques permettront de définir le profil évolutif de chaque jeune patient. La combinaison des moyens thérapeutiques et la périodicité du suivi seront ainsi décidées. La gestion de la myopie est ainsi individuelle propre à chaque enfant.

Pour les professionnels de la vision, mais aussi pour les parents et leurs enfants, il n’est plus possible aujourd’hui d’ignorer la progression de la myopie chez les enfants. Il devient aujourd’hui difficile de ne plus proposer une prise en charge adaptée au risque évolutif. En cela, le livre de Langis Michaud, Rémy Marcotte-Collard, Patrick Simard et Mhamed Ouzzani est une source majeure pour guider la connaissance et proposer des conduites thérapeutiques 2.0 à nos jeunes patients myopes.

Bienvenu.e dans la nouvelle ère de gestion de la myopie !

 

Professeur Arnaud SAUER, MD, PHD, FEBO

Ophtalmologie – CHU de Strasbourg (France)